29 août 2008

Sous le Fauteuil



Ce n'est pas parce qu'ils ne sont plus là que les chats ne se rappellent pas quotidiennement à votre bon souvenir. Vous balayez, vous aspirez, vous lavez et relavez appartement et vêtements, mais l'espace regorge de poils dissimulés dans d'invisibles interstices. Ces poils sont capables de resurgir à tout moment quand votre mémoire s'efforce d'oublier pour supporter l'absence.

Des jouets égarés qui se coincent dans le tube de l'aspirateur, un fond de croquette qui traîne dans l'armoire, les détails infimes tiennent lieu de preuves accablantes quand votre univers entier régurgite des poils qui polluent et poissent le présent, des poils qui s'agglutinent en boule derrière une porte ou se collent encore aux vestes sombres et vous accompagnent dans la rue, dans la vie.

Bien sûr vous pouvez espérer que ces pollutions diminueront avec le temps, mais alors ce seront les cicatrices de griffures qui vous rappelleront l'animal. Ces cicatrices qui ne s'effaceront jamais et vous accompagneront en tout lieu. Il faudrait perdre la vue pour ne plus les voir. Mais même aveugle, vos doigts parviendraient à les localiser à la surface de la peau. Dans cette cartographie tactile de vous même, vous finiriez par vous souvenir des moments partagés avec l'animal et la douleur serait à nouveau présente, à nouveau sévère.

D'une certaine manière, aveugle vous l'êtes déjà, aveugle et laid. Et dans ce nouvel état d'être, la beauté vous est devenue insupportable, car vous avez fini par percevoir avec une insolente sagacité que votre laideur vous rend toute beauté inaccessible. Et votre laideur tient à ces poils de chat que tout le monde remarque sur le revers de la veste, mais dont personne n'ose parler tant ils les dégoûtent.

Donc le seul moyen de vous en sortir, c'est de vous inventer une nouvelle vie, une nouvelle peau.

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