29 sept. 2012

Aux Compagnons de doute

Ils se caressent dans le sens du poil et ça ne finit jamais bien. De leurs identités fatales, au quotidien ils font festin. Qu'ils prétendent traverser le vide ou bien remplir quelques trop plein, c'est la même énergie livide qui les laisse sur le chemin. Leurs corps lâchés sans crinoline seront léchés ou bien mordus. La candeur qu'ils voudraient câline est un secret vite corrompu. Après les cris et les abîmes, un vaste jeu de dupe en somme, ils constatent qu'ils sont les intimes de la plus grand détresse des hommes. Alors pour oublier ce vide qui désagrège leur vertu, sans vergogne ils se précipitent dans l'arène qui chaque jour les tue. Ils liquéfient ainsi leur chair qui devient putride quelque fois. Ils n'ont rien compris à la guerre dont ils sont les pauvres soldats. Ces batailles de solitude qu'ils engagent sans autre projet que d'acquérir la certitude qu'un amour veule peut être vrai, qu'il les transforma un jour, qu'ils auront la force d'y croire, qu'ils ne seront pas de vrais vautours mais les victimes de l'espoir.

28 sept. 2012

Nos Dévotions

Petite mère, bonne mère, parfois tu es là, statue et adulée. Des cierges posés avec dévotion à coup de deux euros dans un tronc qui en a vu d'autres. Des flammes, des prières, des femmes, le visage tourné vers leur coeur, te récitent le chapelet de leurs doléances. Mais parfois tu es ici, dans l'appartement de l'autre coté de la rue. Mon dieu, que tu es vieille. Tu brosses tes cheveux, méticuleusement. Petite mère, bonne mère, statue ou illusion, tu accapares les esprits. Mais si les statues évitent le regard des fidèles, toi, de l'autre côté de la rue, tu me fixes parfois.

24 sept. 2012

A la Faveur de l'Automne

Parapluie à pois blancs sur sandales d'été, jambes nues laissant admirer un bronzage encore intact, chantier en cours sur fond de passerelle Rolex... L'automne prend sa vitesse de croisière.

11 sept. 2012

Ah, la Rosée

Le citadin oublie l'existence de la rosée. Jamais, il ne se roulera dans une pelouse gorgée d'eau, jamais il ne ressentira cette fraîcheur naturelle sous ses pieds nus. Pour lui, tout est aride et poussiéreux. Tout est pavé, béton, asphalte. Il perd par là même de poétiques croyances : Se rouler dans la rosée le matin du solstice d'été garantit une année sans maladie de peau et marcher pied nu dans la rosée donne de la gaité et de l'entrain pour toute la journée, des sorcières de pacotilles prétendent même que se frotter le visage avec la rosée de mai permet de lutter contre les tâches de rousseur.
Mais rassurez-vous amis citadins, on s'emploie à vous rendre l'accès à cette précieuse rosée. Pour cela, des chercheurs tentent de la mettre en bouteille. Avec une production estimée de 0,7 litre par mètre carré et par nuit, l'affaire semble rentable. Vous pourrez ainsi la boire ou renouer avec les croyances ancestrales d'une toilette qui rend la peau plus belle. Par contre pas de nouvelle concernant l'accès facilité à l'eau de jouvence.

7 sept. 2012

Le Fonds de Commerce

Parfois, le succès d'un commerce n'est pas au fond de la boutique, mais juste là sur le trottoir à prendre le temps de feuilleter une brochure avec une cliente fidèle. Le boucher verra encore défiler un grand nombre de clients avant de baisser le rideau de fer de sa devanture, vers huit heures du soir. Il n'utilise aucun subterfuge tape à l'oeil,  il communique mieux que toute publicité et surtout que les armadas d'employés qui rangent des produits dans les rayons de nos supermarchés. Très bobo, cette nostalgie des rapports humains, trop ?

5 sept. 2012

Un Signe de plus

Chaque société produit des signes dont il est parfois difficile de comprendre la portée. Ici, il ne s'agit a priori pas d'un danger, juste une information, le bleu n'est pas, pour nous, couleur d'alerte. Ce garage, ou plutôt cet atelier à la devanture fermée, recèle pourtant une particularité suffisamment singulière pour qu'elle fut ainsi signalée. Mais le sens réel nous échappera toujours. Il faudrait revenir et questionner le propriétaire, mais les touristes ne perdent pas de temps en pareilles fadaises.

30 août 2012

La Grande Bleue

Il y a des courants qui vous empoignent et vous éloignent de la terre. Il y a des créatures marines qui se frottent à vous et répandent leur venin. Il y a des femmes qui ne cachent pas les cicatrices de leurs implants mammaires sous des maillots de bain. Il y a des tatouages sur toutes les peaux. Il y a le sable brûlant. Il y a d'ailleurs de la chaleur dans chaque molécule d'air. Il y a le vent qui soulève le sable. Il y a la ville tout à côté.  Il y a l'été. Tout cela sous le regard du surveillant de plage sur son arbre perché.

21 août 2012

Les Nains de Jardin ne voyagent pas

Comme le précise wikipedia, jamais avare de savoir, "le vol de nain de jardin est une activité illégale. La victime peut porter plainte contre le ravisseur et celui-ci peut être condamné pour vol et harcèlement." Contrairement à une croyance dont Jean-Pierre Jeunet se fit le colporteur, les nains de jardin ne font pas le tour du monde. Bien au contraire, ils préfèrent à cela témoigner au quotidien des aventures de leur environnement proche. Canicule ou fortes gelées, le nain est la mémoire du potager. Il compte les gouttes de rosée, évalue les récoltes, recense les populations d'insectes, enregistre les naissances, les décès de ce microcosme jardinier. Les nains de jardin ne voyagent pas, car contrairement à nous, ils savent que le grand tout se déroule à tout instant, en tout lieu. Il leur est inutile pour comprendre le monde d'en explorer sa diversité. Mais si d'aventure vous voyagez, pensez à partager vos impressions avec votre nain, car sédentaire il est, mais vos récits le font rêver.

15 août 2012

Mourir en été

Mourir en été, voilà une bien étrange idée. Dans un cimetière surchauffé,  une famille endeuillée avance en procession. En rangs serrés, une armée d'arrosoirs jaunes entourent leur tristesse. Alentours, les stèles bien scellées réfléchissent la lumière, insoutenable. La sueur perle aux fronts des agents des pompes funèbres qui enfilent, dans la terre sèche et craquelée, le cercueil. Mourir en été, c'est désarçonner ses proches. Tout à coup, l'absence, la disparition, n'ont pas seulement le goût des larmes. Il y a cette lumière qui vous écrase, la vie qui foisonne et des oiseaux bavards. Un lézard surgit. La mort c'est glacial, sauf en été.

13 août 2012

Madame reçoit

"Madame reçoit" tel est le titre de cette toile, d'un certain Remy Cogghe. Mais qui reçoit-elle ou que reçoit-elle pour attiser ainsi la curiosité des domestiques ? L'histoire ne le dit pas.

8 août 2012

Sous la Basilique

Ils se retrouvent un jour d'été sous la basilique, torses nus, entre amis, avec quelques bières. Viennent ceux qui n'ont pas oublié, ceux qui ont trop chaud dans leur appartement, ceux qui ne supportent plus que leur mère les envoie chercher du travail. Viennent ceux qui ont vingt ans, vingt-cinq ans tout au plus. Après il doit se passer quelque chose et on ne passe plus l'été ainsi. Viennent ceux qui se fichent de Dieu et de l'économie du monde. Viennent ceux qui marchent les pieds nus et qui traversent doucement les étendues de pelouse brûlée pour approcher ceux qui vont, pressés, sur les allées goudronnées. Ils leur demandent une cigarette. Mais ils ne mendient pas. Ils possèdent ce qu'ils possèdent, pas grand chose, mais ils n'ont pas faim. Ils ont un toit, ils ont une mère qui quoiqu'ils fassent de leurs après midi, prépare un repas dans l'appartement étouffant de chaleur. Ils ont un lit où s'effondre la nuit, la vie qu'ils peinent tant à s'imaginer.  Alors sous la basilique, ils reprennent chaque jour l'impossible débat. Les autres sont venus aussi, ceux qui n'ont pas oublié, ceux qui ont trop chaud dans leur appartement, ceux qui ne supportent plus que leur mère les envoie chercher du travail, ceux qui ont vingt ans, vingt-cinq ans tout plus. Après, il doit se passer quelque chose, mais ils ne savent pas quoi, ni comment cela se produit. Alors en d'intarissables échanges, ils refont chaque jour, le roman du présent et d'un avenir dont ils ne savent rien. Et si tout à coup, l'angoisse les envahit et que le silence se fait, un autre finit par arriver et relance la roue des possibles lendemains. Sous la Basilique San Lorenzo, à Milan, un après midi poisseux du mois d'août 2012.

30 juil. 2012

Le Profil du Batracien

Illusoirement conditionnés par les contes de fées, nous voilà tentés de saisir ce crapaud qui surgit au milieu du salon pour lui coller la bise qui le transformera en beau prince riche et séduisant. Dans la réalité, l'idée saugrenue d'embrasser pareil animal fait froid dans le dos. Notons que ce hiatus entre l'écrit et la réalité nous éclaire sur la fragilité psychologique des héroïnes de conte de fée. Cependant, si l'on se réfère aux frères Grimm, il n'est pas question ici d'un baiser. Dans "le prince grenouille", ou "le prince crapaud", selon la cruauté des traducteurs, la Princesse, contrainte à vivre avec l'animal, ne l'embrasse pas. Alors qu'elle doit partager son lit avec l'infâme batracien, la jeune fille jette l'animal contre le mur de toutes ses forces et c'est lorsqu'il tombe à terre que l'amphibien se transforme en prince.  Bien que cette version soit nettement moins dégoutante, nous nous abstiendrons de tout excès de violence, et c'est  avec délicatesse que nous accompagnerons l'intrus maladroit hors de la maison, ratant par là même, l'occasion de rencontrer le conjoint idéal.

28 juil. 2012

Les Jeux de Domination

Il n'y a guère que sur les tasses à café achetées chez carrefour pour trois euros dix que les chats minaudent. Dans la vraie vie, les chats mènent sans répit une guerre de territoire. Et nous voilà contraints d'enfiler le casque bleu de la force d'interposition. Certes, il manque ici la violence des assauts et les cris déchirants qui soudain vous réveillent au milieu de la nuit, quand surgissent dans la chambre les belligérants aux griffes acérées. Comme un soldat traumatisé par l'assaut nocturne de l'ennemi, nous voilà pris dans un sommeil inquiet, sursautant aux moindre signes de présence inhabituelle. Et puisque qu'aucun forum d'entraide n'existe à ce propos, il est temps de briser le tabou et d'aider ceux qui vivent les mêmes frayeurs sous la coupe du syndrome de Mistigri.

23 juil. 2012

Les Compromis félins

Quand il s'agit de voir sa gamelle remplie, le greffier est prêt aux plus vils stratagèmes. Lui, d'habitude si farouche, se fait le plus câlins des félins. Ronronnant à tire larigot, il se frotte, se love, et perd toute dignité. Pour quelques grammes de viandes, le chat renonce à l'indépendance qu'il revendique pourtant à longueur de journée. Croit-il duper celui qui le cajole ou sommes nous tous les deux conscients de la supercherie ? Qu'importe, l'un comme l'autre semblons savourer cet instant rare d'amour presque gratuit.

19 juil. 2012

Dominique A

Rituel rendez-vous avec la foule de Paléo. Dominique A esquisse avec soin son dernier album, entouré de dix musiciens. La précision des arrangements est d'une rare délicatesse. La façon dont le bassiste ondule derrière l'artiste au premier plan crée le contrepoint parfait à sa présence solide.

18 juil. 2012

Les fausses Plages

"Il n'y a plus de saison ma brave dame." Pourtant les cités continuent à s'inventer de fausses plages pour donner aux citoyens qui n'ont pas le loisir de se rendre en croisière ou sur les bords de mer, l'illusion d'être ailleurs. Les Paris plage, Lille plage, dieu sait où plage... sont à l'été ce que les illuminations et les boules sont à Noël. Le transat devient la synecdoque inconsciente d'un été savouré, farniente, bel été en somme. Mais parfois le symbole ne peut lutter avec la sensation réelle, pluie, nuages et courants d'air glacés découragent les passants et rappellent haut et fort que ces parodies de carton pâte ne remplacent pas la réelle sensation du vent du large sur nos visages tandis que rumine l'océan sur les galets ou sur le sable. Alors, au coeur de la cité, sous nos parapluies, il nous faut rire de ces mises en scènes dérisoires en espérant cependant que s'installe enfin l'anticyclone salvateur qui rendra ces pastiches moins ridicules.

14 juil. 2012

Home sweet Home

Deux mille cinq cents kilomètres plus tard, retour à la case départ. Après cette plongée au coeur des Flandres, la vie, ici, semble  à la fois plus brouillonne mais aussi aseptisée. C'est l'effet boule à neige.

11 juil. 2012

Dans le petit Bain


Les villes de province s'inventent de beaux musées, écrins de qualité pour collections modestes. Ici, une ancienne piscine totalement restructurée tout en préservant l'ancien espace du bassin. L'endroit est magnifique et la curiosité des visiteurs ne peut être que piquée lorsqu'il se trouve au détour d'une salle face au portrait de madame Hanus par Jean-Joseph Weert...

9 juil. 2012

Le Chemin de Halage

Sur les routes de France, l'été est propice aux travaux de réfection des routes. Le voyageur dubitatif se retrouve ainsi mené par le bout du nez par des déviations gargantuesques et il lui faut alors stratagème trouver pour ne pas perdre un temps fou à courir la campagne. Dans ces cas là, se fier à l'instinct et suivre l'autochtone, permet de découvrir une alternative plus rapide et surtout plus champêtre. Ainsi, suivre durant deux kilomètres un chemin de halage le long de la Deule puis bifurquer sur la droite sur un chemin agricole vous mènera à bon port avec une perte de temps minime. 

L'autre atout de cet astucieux détour est de découvrir un coin magique. Arrêter la voiture et prendre le temps de marcher le long du canal. Compter les hérons qui s'agglutinent dans un champs tandis que les péniches s'effacent au loin. Dans un vacarme d'enfer, le train régional traverse le canal sur un pont d'acier. Essayer de photographier tout ceci, et finalement revenir avec un bout de barrière rouillé sur fond d'eau striée par le vent, comme si le détail était plus fidèle que le tout. 

Le Berger d'Epinoy

Dans un champs de soja vert, face à un dérisoire calvaire, une bande de deux mètres de large a été récemment moissonnée. De la route, on peut ainsi accéder à Saint Druon, gaillard du coin, patron des bergers, qui enseigna notamment voilà plus de 900 ans comment se débarrasser des hordes de hannetons qui s'abattaient parfois dans les environs. La terre est lourde de pluie et le ciel chargé de nuages. Derrière la vitre brisée de son modeste calvaire de briques rouges, Druon d'Epinoy lutte contre le reflet du soleil pour poser sur le pèlerin un regard bienveillant. Il n'est guère habitué à recevoir ainsi de la visite. Certes, le lundi de Pentecôte, une procession vient jusqu'à lui et l'honore de prières. La meute bigarrée de pèlerins d'un certain âge, comme se plaît à le souligner l'échotier du coin, lui présente sa dévotion et s'en retourne à travers champs, les pieds crottés. Une fois rentrés chez eux, en nettoyant la boue qui souille leurs escarpins du dimanche, certains doivent maudire ce calvaire des champs. Qu'importe, Druon attendra impassible que viennent à lui l'année suivante de nouveaux adorateurs endimanchés.